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Tribune de l’Ambassadeur dans Le Figaro à l’occasion de l’anniversaire du Débarquement en Normandie

06.06.2020

«75 ans après la fin de la guerre, n’oublions pas la contribution des Polonais à la victoire sur le nazisme» À l’occasion de l’anniversaire du 6 juin 1944, date du Débarquement de Normandie, Tomasz Młynarski évoque le rôle clé joué par l’armée polonaise - dont les territoires étaient occupés par l’Allemagne nazie et les armées de l’URSS - aux côtés des Alliés.

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Alors qu’en ce 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous célébrons le Débarquement allié en Normandie, le souvenir de ces heures dramatiques s’estompe peu à peu, à mesure que les derniers témoins nous quittent. Il est de notre devoir sacré de chérir et de cultiver la mémoire de cette période charnière de l’humanité, de ses victimes et des figures qu’elle a révélé. Il est aussi de mon devoir d’évoquer la contribution significative et souvent méconnue des Polonais à l’effort de guerre allié.

Il faut rappeler qu’à l’issue de la défaite de septembre 1939, le territoire polonais est démantelé et incorporé sous diverses formes au Troisième Reich et à l’Union soviétique. Les occupants s’attelent dès les premières heures de leur présence à disloquer avec une violence inouïe la société polonaise. Sur le territoire polonais occupés par les nazis, la destruction des Juifs polonais et l’installation des structures servant la Shoah suit l’élimination de l’intelligentsia et les déportations des Polonais visant à germaniser une terre perçue comme un espace vital pour les aryens. Cette occupation d’une cruauté sans nom est largement documentée et connue. Les Soviétiques quant à eux remodèlent les territoires occupés en s’efforçant d’extirper toute trace de polonité par la transformation du modèle socio-économique ainsi que par les déportations massives vers les profondeurs de l’URSS de plus d’un million de personnes entre septembre 1939 et juin 1941. Ils massacrent plus de 22 000 officiers, cadres et intellectuels, notamment dans la forêt de Katyń devenue un symbole et dont l’histoire est dépeinte avec une grande jutesse par Andrzej Wajda dans son film éponyme de 2007.

Face à ces destructions systématiques du pays, la résistance devient une condition de la survie des individus et de la nation. L’action est très rapidement organisée à l’intérieur où le mouvement de résistance prend une dimension collective. La principale organisation secrète, l’AK (Armée de l’Intérieur), comptera en tout près de 400 000 membres et son action sera menée de concert avec les efforts déployés à l’extérieur par le gouvernent polonais exilé dans un premier temps en France puis à Londres après juin 1940. Celui-ci constituera des forces armées sous commandement allié en enrolant des Polonais venus de tous les horizons. Que ce soient des évacués d’URSS, de Pologne puis de France, des recrues et des volontaires du monde entier, ils seront au total près de 250 000 hommes et femmes. Après l’attaque de l’Union soviétique par Hitler en 1941, une armée polonaise sera également constituée sous commandement soviétique. Ainsi les Polonais se battront aux côtés des Alliés sur tous les fronts européens, de la bataille de Narvik en Norvège, en passant par la campagne de France, la Bataille d’Angletterre, l’Afrique du Nord, l’Italie, la Normandie, la Belgique, la Hollande, et pour finir en Allemagne et à Berlin même. Libérant de nombreuses villes, ils se battront pour la liberté des autres en espérant trouver la leur et celle de leur pays au bout du chemin.

La campagne qui en juin 1944 initie la libération de l’Europe de l’Ouest et le personnage du général Maczek en sont emblématiques. Vétéran de la guerre polono-ukrainienne et de la guerre soviéto-polonaise, Stanisław Maczek était à la tête de la 10ème brigade de cavalerie, principale unité motorisée de l’armée polonaise de l’époque, au moment où l’Allemagne attaqua la Pologne le 1er septembre 1939. Ses succès tactiques et opérationnels ne suffirent pas à sauver la Pologne prise en tenaille par l’attaque conjointe allemande et soviétique. Maczek réussit malgré tout à passer avec un grand nombre d’hommes en France. À la tête du camp militaire de Coëtquidan pendant quelques mois, il y reconstitua la 10ème brigade de cavalerie blindée sous commandement français. En dépit de sa participation vaillante aux combats notamment en Champagne, l’avancée allemande s’avéra cependant une fois de plus inarrêtable. À la suite de la campagne de France, une grande partie de ses hommes réussit à gagner l’Écosse où le général, qui lui aussi atteignit le Royaume-Uni via l’Afrique du Nord et sous une fausse identité, fit naître la 1ère division blindée polonaise.

En août 1944 c’est forte d’un effectif de plus de 16 000 hommes, de centaines de chars et de milliers de véhicules que la 1ère DB polonaise débarque en Normandie. Son rôle dans la bataille de la poche de Falaise où elle ferme le piège allié sur les Allemands en retraite est crucial. Les hommes de Maczek se battent alors que la capitale de leur patrie, Varsovie, vient de débuter son insurrection. Ils aident de façon décisive les Alliés. Ils résistent pendant trois jours dans de combats meurtriers. Les Canadiens venus en renfort, abasourdis par la vue du champ de bataille, s’exclament: „Bloody Poles, what a job!”. La victoire de Maczek et de sa division signe la conclusion de la bataille de Normandie initiée le jour du Débarquement. Cette victoire est stratégique. Les Alliés reprennent l'initiative, et les Allemands, bousculés, ne sont plus en mesure d'opposer une quelconque résistance organisée. Paris se soulève, la voie est ouverte pour la Division Leclerc et une victoire rapide des Alliés en Europe semble possible.

La suite de l’histoire sera comme souvent amère. Libérateur notamment de la ville de Breda en Hollande où il fait encore aujourd’hui figure de héros, le général et ses troupes, comme d’ailleurs tous les nombreux autres Polonais s’étant battu aux côtés des Alliés, ne seront pas conviés au défilé de la victoire à Londres en juin 1946. La politique et sa cruelle réalité reprennent leurs droits. La Pologne se retrouve dans le giron soviétique et il ne faut pas froisser son nouveau maître Staline.

Après la guerre Stanisław Maczek s’installera en Écosse où il vivra modestement et exercera notamment le métier de barman, fréquemment visité de ses anciens compagnons d’arme. Il connaitra la chute du communisme dans son pays mais, trop âgé, il ne retournera jamais sur sa terre natale de nouveau indépendante. Il décédera peu après à 102 ans à Édimbourg.

Les lieux libérés par Maczek, qui se refusait à utiliser les bombardements d’artillerie pour épargner les populations civiles, se souviennent encore de ce nom. Du mémorial de Montormel en Normandie au cimetière militaire polonais de Breda où il repose désormais selon sa dernière volonté auprès de ses soldats, en passant par Ypres en Belgique et de nombreuses autres localités, sa noblesse d’âme et son sens du sacrifice résonnent encore.

Tomasz Młynarski

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